mercredi 9 avril 2025

Images et Fragments

Après une séance d'analyse du travail déjà effectué sur nos sept premiers textes de la rubrique Images et Fragments, des observations nous entrainent à creuser davantage notre projet.

Concernant l’écriture, l’envie s’est manifestée de « pousser » notre écriture et peut-être de la faire évoluer. Dans une première étape, on va travailler sur une version 2 de chacun de nos textes, donc une réécriture totale à partir des 3 mêmes images que chacun a choisies. La consigne étant de faire évoluer la forme, d’écrire « autrement », sous une autre présentation.

L’envie est là également d’une troisième version possible pour aller vers la fiction. On y réfléchit, on garde cette ouverture possible pour la suite du chantier.

Concrètement donc, il devrait y avoir 3 versions de textes pour chaque série de photos. C’est un travail au long cours.

Concernant les images, on va mettre en place, comme la lexithèque que l’on utilisait auparavant, une photothèque collective où piocher dans les ateliers à venir.

Pour la prochaine séance, chacun apporte deux images et la troisième sera commune, apportée par l’une d’entre nous, histoire de diversifier nos sources.

C’est un travail nouveau que l’on mène, et on réajuste, on diversifie, on creuse, on s’entraîne, c’est le travail d’un atelier d’écriture. Rien n’est donné d’emblée, le questionnement est permanent.


mardi 8 avril 2025

7 prendre des vessies pour des lanternes

 

       

     



 Le nid que je vois n'est pas un nid, le nid est un boa le boa engloutit l'oiseau que je croyais venir nourrir ses petits dans son nid qui n'est pas un nid. L'image du chapeau n'est pas un chapeau mais un éléphant dans un boa.  De chaque côté de l'arbre où s'enroule la liane qui n'est pas une liane, il y a trois nids de caciques qui pendouillent. Des nids qui ne sont pas des nids, je ris, ce sont des arbres. Ils ne pendouillent pas, ils s'élèvent.

Comme mon kikiwi que j'ai vu exécuter un salto arrière pour rentrer dans son nid qui n'était pas un nid mais une liane qui n'était pas une liane mais un serpent, qui n'était pas un salto arrière mais un enroulement dans les plis du boa.

Je crois ce que je vois, ou je vois ce que je crois C'est en fonction de ce qui me raconte ; ce qui m'arrange, comme des lapsus visuels. Je vois midi à ma porte, même s'il n'y a pas de porte et même s'il est 7 heures moins dix. Comme le Petit Prince qui fait semblant de dormir sur le sable alors que par une magie quantique il s'est envolé rejoindre sa rose, je suis par mes yeux dans l'image qui est l'enveloppe de mon histoire à plusieurs dimensions. Je suis celle qui croque dans l'inconnu grâce à une pomme tendue par une liane à tête d'ange et à queue de flèche Et si j'ai envie de prendre des vessies pour des lanternes qui ne sont pas des lanternes c'est que j'ai décidé ainsi d'éclairer différemment mon chagrin mon chemin.

lundi 7 avril 2025

 CHERCHER - VOIR (7)

 

 VOIR - CHERCHER où TROUVER  (7)

Espérer des au-delà
Attendre
à l'horizon du monde
Derrière la ligne droite
franchir le bleu pour
découvrir
se découvrir
seul mais le regard vivant
Avoir envie de percer
les mystères-sorciers
Ensorcelée
mais refuser pour ne pas se laisser
dévorer
mais refuser la peur
Victoire cachée
dans les yeux de la nuit
ou du jour
Lichen sur la peau
manteau des certitudes
maladie acnéique
rongeuse du temps
Se faufiler tout de guingois
au tréfonds de la gueule
ouverte
S'accrocher aux dents comme
on s'accroche aux branches
S'ébrouer
jeter le masque du vivant
Percer la carapace de cuir
tendue
Et  saluer le ciel
toile de maître de gris drapée
rayons divins s'échappant
d'un espoir nébuleux
Et saluer le ciel
miroir de lumière

mercredi 2 avril 2025

L'œil et la source/ 7


 


 

 


 

des rideaux d'ombres blanches filtrent la vision d'être



l'avenir sera-t-il et le devenir

qu'en dira-t-on

on recherche l'équilibre

le futur n'en a pas

comment commencer à être ce qu'on n'est pas encore

 

                   


devenir vient du latin devenire

venir de arriver à aboutir à recourir à

alors on deviendrait parce que l'on vient de

donc ce n'est pas de nulle part

mais bien de cet enfant

qui a enfilé des ailes d'oiseau et cherché à voler

                                 

l'œil est plein de visions

l'un regarde vers l'avant

le second se tourne vers l'arrière

mais qui donc sommes-nous

et sommes-nous vraiment


                              

face devant

les entrelacs d'un avenir froid et vide

un devenir serti de force et de feu

haut-lieu d'intensités que l'on espère encore

sans peur de laisser traces

au-delà d'un paysage sombre qu'il faudra traverser


                                  


les lignes de fuite sont les creux où se projeter

ces chemins sans balises

lignes fractales où cela tourne cela bifurque cela bute cela s'interrompt

mais le retour pourrait-il être envisagé

et bue à nouveau la sève du jadis

pour parvenir à ce devenir



s'engouffrer sur des chemins de traverse et retarder l'échéance


                              


 

(Les deux photos du haut sont personnelles, la troisième est celle d'un tableau de Jérémy Liron Paysage 242)

mardi 18 février 2025

 CHERCHER - VOIR (6)

 


 VOIR - CHERCHER où TROUVER (6).

Exister
d'un élan frondeur
tel le paille-en-queue
à l'horizontale des éléments
être la figure géométrique du paysage
aller de l'avant
tracer sa route
en équilibriste de la houle
et du vent
persister
sans se laisser distraire
même si quelquefois
les nuages abondent dans le ciel laiteux
savoir poser son bagage sur une barque
aspirée
par les strates du ciel
quand les verts charpentés entrent en correspondance
et que les bleus marins acceptent de répondre
la nuit épistolaire
continue
s'y meurt le jour
en spirales ajourées
viennent y naître les étoiles
comme autant de projets autant de certitudes
voguer de l'une à l'autre
se pelotonner dans leurs branches
faire de leur aura un châle-protection
et écouter
écouter la complainte 
qui s'élève des maisons endormies
aimer
aimer la lumière-confusion
blottie dans un croissant de lune
pour encore espérer

 (photo d'un paille-en-queue, La Réunion
"un ciel à Honfleur" de Nicolas de Staël
"Nuit étoilée" de Van Gogh)

 

6 / Ces endroits dont on ne revient pas 6/

          



Le vent soulève le sable de la plage et le fait danser, empêche les moustiques de se manifester, ils ont pourtant leur réputation à tenir car ici c'est leur royaume.

Des cocotiers balancent leurs palmes, à la saison, les tortues luth viennent pondre.

Presque une carte postale

Aucun bateau au large ni même au bord, dans les eaux boueuses, l'eau marron de l'embouchure du fleuve du même nom. A quelques kilomètres de là, le Suriname, Les fleuves et les rivières d'ici, des cimetières de forêts englouties.

"Un morceau de bois a beau séjourner dans l'eau il ne deviendra jamais un caïman", dit un proverbe. Mais une tête de girafe, si.


Un petit carbet désossé, un bâtiment de bagne taggué, croupissant ; des personnes devinées à l'abri dans leurs cabanes de tôle rouillée attendent les touristes pour leur vendre de l'artisanat.

Suis-je une touriste ? Suis-je un fantôme ? Suis-je un grain de sable ?

Les fantômes sont partout. Fantômes d'esclaves, de bagnards morts de maladie, fantôme de Raymond Maufrais sans doute englouti digéré par la forêt ou dans l'estomac d'un boa géant, à la poursuite de son rêve présomptueux.Voyage infernal mais choisi. Contrairement aux autres.

L'érosion gagne. On dit que d'ici quelques décennies, cette terre n'existera plus, la forêt transformée en savane, puis en désert ; les gens mourront de chaud. 

L'érosion gagne et les souvenirs restent. Les images se superposent, pourrissent, se transforment en chablis qui laissent pousser d'autres images sur leur tronc moisi.

Moi aussi j'ai choisi, et moi aussi je resterai sur la plage des Hattes, à Awala Yalimapo, avec le fantôme du jeune homme, Marron Guyane sans retour.

vendredi 14 février 2025

L'oeil et la source / 6




quelles archives à sauver des cavernes du jadis



assis tout contre soi, on régresse, on recule jusque dans les tréfonds, dans les recoins les plus secrets

là où s'entrechoquent les pensées de la langue perdue au sein des forêts de signes

des couleurs évanouies, des images sédimentées et

des murmures errants

 

                                  

archives – arché – archium – archivum – archeion – archê –

cela signifie à la fois le commencement ou le principe

ensemble de documents rassemblés répertoriés conservés

pour servir à l'histoire, de l'un, de tous, d'un monde

quoi de soi à extraire d'entre les poussières du temps

quoi témoin d'une vie, de son évolution, de ses métamorphoses


                                 

de la pointe des orteils jusqu'au sommet du crâne

une trace de lumière

un fil blanc à saisir, à tenir sans jamais le lâcher

entre les clairs et les obscurs

l'oeil est intérieur mystique et pénétrant

son errance est celle d'une marche dans Venise

sans itinéraire mais prêt à enlacer l'inattendu


                                 

quel fil rouge s'écrira-t-il alors

de quel passé pour le devenir à venir

sera-t-il nécessaire de nouer, de lier

pour le meilleur

ou peut-être le rire

 

                               


prendre le temps de l'ombre

de fouiller dans les échantillons de mémoire

de les déposer dans l'écrin de lumière

de laisser les images se réanimer dans le cloître de l'esprit

se décomposer, se recomposer, se reconstruire



conduire le désir d'un devenir


                                                             

 

(Photo 1: un tableau de Safet Zec Luigi II

Photo 2: couverture du livre La vie sociale de Jérôme Orsoni (Editions Bakélite)

Photo 3: cloître de San Francesco della Vigna à Venise )