mercredi 28 mai 2025

L'œil et la source /10

 

                 



Il reste au fond de soi encore un peu d’obscur



cela suinte dans la tête

des ombres remuent derrière le volet des ans — voile de suie ou de neige —

on se penche sur les traits de lumière

écarte un peu les sutures

cherche à voir entre les interstices

y-a-t-il quelqu’un à qui demander son chemin…


                                        

 

derrière les paupières

un mur, un ciel, des ombres

une falaise noire surplombant une vallée

le grès érodé de collines

des étoiles accrochées sur des arbres qui tremblent

des mondes de réminiscences



                                    

 

en latin revelatio signifie action de laisser voir, de découvrir

c’est un dérivé de revelare : dévoiler, révéler

en grec enlever le voile se dit apokalupsis

en hébreu on utilise deux mots pour parler de révélation galah qui veut dire découvrir, révéler, aller en exil et pethach ouvrir une porte

la révélation de tes paroles éclaire*





serait-ce l’apocalypse alors de pousser les volets sur une aube nouvelle

prenant le risque de révéler une connaissance de l’ombre

une parole des bords d’un infini

aux traces d’altérité

ou comme dans la photographie lors du développement de faire apparaître une image latente grâce au révélateur





mettre à jour ce qui en soi frémit

se dilue se diffuse

traquer un motif perceptible, féroce

comme les bulles de lave ponctuent l’explosion d’un volcan

pousser jusqu’à l’exil de sa langue pour éprouver l’inconnu



traduire les cris, les éclats, les paroles et les portes qui s’ouvrent

 

                                    


(*Psaume 119)

vendredi 23 mai 2025

L'œil et la source / 3 bis/ Impalpable

 

 

        

Rideaux sombres occultant murs et fenêtres, tout est clos et ouvert sur l’intérieur. Chapelets de boules de papier pendeloquant entre les tentures noires démesurées, visages de terre, aux yeux abaissés et reclus en eux-mêmes, recouverts des lambeaux de mues successives. Pénétrer ainsi, pas après pas alenti, dans les replis de ce qui peut se nommer soi. Que s’écartent les heures dans l’embrasure des temps. Que s’enjambent les seuils des ombres amassées. Que se déplissent blanches les brumes de naissance. Que se lèvent les vents sous le dessein des mots. Que crépitent les cris entre les lèvres closes. Que s’ouvrent les rideaux sur un paysage intérieur. Que des visages entre les draps de suie naissent à la lumière. Ce qui frémit là dans l’intérieur de ce coffret intime que l’on tient hermétiquement à l’abri de regards indiscrets, cette petite brume irisée de silence où l’on imagine des mains presque transparentes, aux veines bleuies, dont les années ont affirmé leur force et leur détermination à mettre au jour sans faiblir les petits riens qui permettent la naissance du tout. C’est, à partir de là, de ces extraits de récits délicatement choisis dans la moêlle des livres, parchemins palimpsestes soigneusement noués, que tout peut arriver. Tous ces fragments de lectures recopiés, entassés entre d’autres pages, noircies de l’encre du devenir, tout ce qui se fera chair pour un nouveau corps. Le verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous. En hébreu, le mot  basar  a deux sens : non seulement la chair, la viande, mais aussi tout l’être vivant, la personne humaine dans son entier. Ce corps qui, patiemment se sculpte, prend forme, se déforme, se reforme tout au long d’une vie. Ce corps ligaturé de mots qui disent ce que l’on tente d’être. Nous sommes tous le titan Atlas. Tous, nous portons notre histoire et l’histoire de nos aïeux sur nos épaules. Tous, nous ployons sous le poids de leurs vies. Cette statue en nous se crée, déploie sa musculature, la ligne de ses os, s’insère, se niche entre nos vertèbres, faisant ployer notre dos au fil des ans, écartelant nos mâchoires, façonnant notre langue, donnant un relief singulier aux mots qui s’échappent de nos bouches, un accent, une intonation dont notre conscience n’a pas toujours pris la mesure du phénomène. En nous donc, cette sorte de caryatide s’est nichée, modifiant et sculptant notre squelette, notre anatomie, notre démarche, notre philosophie. Réaliser cette présence intérieure, faite de mots et de chair de terre, en accepter l’étrangeté et la force données. Décider de composer avec elles et faire grandir l’être intérieur.

Voici la version 2 correspondant à la série de photos 3 de L'œil et la source. Voir la version 1 ici

Dans la version 2 des textes que j'écris, avec les trois mêmes photos, mon protocole  d'écriture est différent. C'est un texte de plus de 400 mots présenté en un seul bloc de prose. Il y a un titre d'un seul mot qui apparemment commence par le préfixe in ou im: implicite, incertitude, impalpable. Pour l'instant ce sont les seules contraintes.

mercredi 21 mai 2025

 CHERCHER - VOIR où TROUVER  (III bis)

Sur un bateau les arbres
arche de Noé impérieuse
défiance du monde
avaleur du temps sur les vagues atones
au-dessus
le ciel déverseur de nuages
ils crient les arbres
avalés par le gris
happés par les grands fonds
et leur incantation
est notre incantation
notre âme nos cris
nos corps
dans la nuit épouvante du monde
nous engager à résister
ne pas finir en cage tressés ligotés
nous en indifférence
prisonniers de nos calculs erronés
l'incarcération de notre conscience





5/ V2 Le son du coeur et des images

  V2 du texte 5

 images : 

  • Harold Whittles 
  • Le coeur ne cède pas GB
  • Mon enfant tenant un coeur entre ses bras

Tant de coeur à l'ouvrage

        tant de voix contenues

        tant de souvenirs exfiltrés

        qui n'avaient plus servi

Des scènes de liesse

Des sons sensibles

        qui font battre le coeur

        pourtant à l'agonie

Tant de correspondances

Tant de coïncidences

Tant de révélations

        a posteriori

Les larmes montent aux yeux

        Quand le printemps frémit

Le passé conjugué à tous les temps présents

Quand mon regard se brouille

        mes oreilles aux aguets

        la bouche grande ouverte

Les écrits crient

        La parole reste

CHERCHER - VOIR où TROUVER (II bis)

 Approfondir l'espace
repousser les maisons
creuser le ciel
redessiner ses reflets endormis
les coquelicots explosent
paysage de sang taches de feu
le phare baigne sa tour
dans l'eau inversée du matin
des maisons alignées
espace démantelé espace obstrué
une fenêtre solitaire
ouverture-douceur ouverture-couleur
dans le règne de l'horizontal
les abscisses et les ordonnées
du règne de la construction
l'essence de la ville
la réflexion de l'architecture urbaine
lever les yeux
et confronter la courbe des nuages
découvrir cachées
les alvéoles des feuilles du tilleul
redessiner du pied les vaguelettes
la douceur de leurs accolades
les angles de notre vie brouillée
par la mathématique des éléments
redéfinir notre façon de voir


mardi 20 mai 2025

CHERCHER - VOIR où TROUVER  /1bis/

Dans le brouillis des cheminées obscures, les oiseaux noirs errent dans le ciel de fumée. Le voile blanc qui s'élève les enseigne sur leur direction à vivre, eux aux ailes calcinées, eux aux ailes veinées de sang, eux aux corps concupiscents des corps brûlant dans la folie humaine. Leurs chairs enchevêtrées débordent l'espace-feu, salissent l'herbe foulée des pattes ordurières d'avoir tué encore tué. La forêt adjacente transpire l'odeur des âmes en lambeaux. Fétide, elle souffle la purulence  de leur dislocation se ralliant aux couleurs ombrées des corps décomposés. Verticale, elle rallie la fumée vers le ciel; verticale elle rallie la douleur, la laideur, ne laisse aucun espace à une rédemption. Pourtant, pouvoir s'échapper de cette spirale infâme, pouvoir poser son corps de cendres sur un tapis cardé aux couleurs d'existence. Le transformer en urne funéraire en pointillés de coeur. Lui voler quelques grains pour pouvoir les semer. Ainsi réinfanter la Vie.

jeudi 15 mai 2025

L'œil et la source / 9

 



 

quand s'arrêter est nécessaire



sans rien espérer de particulier

se tenir dans un espace clos

dans cet écart de l'instant

dans ce refuge de conscience que nul autre n'est invité à partager

une grotte de l'esprit où se sculptent des stalagmites et des stalactites en un goutte à goutte temporel

 

                                          



ouvrir une fenêtre d’esprit

suspendre les gestes de banalité

écarquiller les yeux intérieurs

clarifier le désordre en arrière et en avant

rechercher dans cette fécondité du désordre et de l’inattendu

la pensée de ce qui a été et de ce qui peut s’ériger des profondeurs de soi naissant de l'invisible

fixer cet invisible comme le timbre du violoncelle vient faire son nid dans le creux du ventre

 

                                       


Le mot méditation trouve son origine en latin, avec le verbe meditari. Ce vocable signifie « réfléchir », « méditer », mais aussi « pratiquer la magie ».

meditatio: . meditatio, -onis (dér. de meditari, v. méditer), «préparation (à un discours, à écrire)», «réflexion»,

meditatiun: contemplation

meditacion: action de réfléchir profondément

méditation: écrit sur un sujet religieux ou philosophique, action de penser avec une grande concentration d'esprit pour approfondir sa réflexion



                                    



vers une pensée réfléchie et concentrée

attention et intention intimement liées

ranger et empiler ce qui émerge à la surface de ce que l'on tente de faire naître et d'être

de l'insignifiant à l'essentiel

donner forme nouvelle à un impossible peut-être



                                  



au contact de l'indéfinissable

une action où palper des paroles de hasard

qui, entre son et sens, ne pèsent rien

s'unissent en une osmose bleutée

en une épaisseur de silences enciélés

jusqu'aux étoiles où enfoncer des clous



rêver sous ce réceptacle de révélations

 

                                    

mercredi 14 mai 2025

Extrait de la préface de "Le noyau d'abricot et autres contes" de Jean Giono

 

Giono après avoir trouvé ses maîtres a en effet inventé sa propre méthode de travail. Il écrit ce qu'il appelle des "images" pour "illustrer des oeuvres dont il s'est longtemps imprégné. Ces images sont des poèmes en prose; comme des dessins qu'on ferait en marge d'un poème, des dessins de mots, il dit des "images de plume". [...] il se met sus la tutelle d'un grand livre mais il écrit des petits textes siens, des évocations de pays sauvages qui lui appartiennent. Il donne une référence en épigraphe, mais le poème qu'il écrit n'a qu'un rapport très lointain avec cette phrase. Il n'imite pas, il se cherche.

mardi 13 mai 2025

Récapitulatif des séances selon MPB au 13/5/2025

Récapitulatif des séances selon MPB

TEXTE 1V1 23-10-2024 éclipse livre amours v1 

TEXTE 2V1 6-11-2024 dame de Malacca v1

TEXTE 3V1 27-11-2024 Garcia Marquez odeurs v1

TEXTE 4V1 9 ou 11-12-2024 Carpentier girafe V1

TEXTE 5V1 15-01-2025 Bouillier le coeur ne cède pas

TEXTE 6V1 05-02-2025 écrit depuis la Guyane pour moi Maufrais (je suis revenue le 12/2)

19-02-2025 ??? je ne sais pas si elle a eu lieu

TEXTE 7V1 5-03-2025 ? Petit prince

27-03-2025  une séance avec Solange Bipe Linette : discussion faire le point PAS ECRIT

9-04-2025 V2 du 1 éclipse

TEXTE 8V1 ou 4V2 17-04-2025 sans Solange Carpentier bis (+ moi 1 image)

TEXTE 9 V1 07-05-2025 Lobo Antunes (+ solange 1 image)

mes V2 publiées à ce jour 1,2,3,4(car le texte 8 est une V2 du texte4)

Personne n'a publié de texte en mars



2/V2 La Dame de la Fleur de Malacca

 V2 du texte 2 

 images : 

  • Fleur dame de Malacca 
  • Couverture livre La Dame de Malacca
  • Fête péniche pains flétris


Aux confins de l'Empire et du soleil flottant

Boîtes à livres

coïncidences

l'océan traversé des aquarelles

les morts ressuscités en bravant la jeunesse

l'amour des fleurs

leur odeur éphémère

une nuit la lune

Dame de Malacca et Mandarin canard

la fête battait son plein

entre les flûtes de pain

on avait 20 ans et quelques miettes

une nuit d'anniversaire

Lune, une vie éphémère

on se demande parfois pourquoi

on déclanche

on immortalise à la sauvette

dans la fureur de vivre

on se souvient de l'instant précis

de comment c'était alors

Mais qu'est-ce qui m'attendait

au-delà de l'eau ?

au-delà du mot de trop ?

des étreintes sans amour

sous couvert d'intrépide

de passion d'éphémère à la pleine lune

paix-nicher dans les remords avec du pain flétri

Aller voir là-bas si j'y suis

 

1/V2 Regarder être regardé

V2 du texte 1

Images : 
personnes qui regardent l'éclipse 
couverture de livre tableau de Manet Déjeuner sur l'herbe
angelots chromo

Quelque chose ne cadre pas

Comme un hors champ qui ne ferait plus poésie

Comme une saturation d'associations fictives

Comme un vide en silhouette découpée sur une photo des jours heureux

Quelque chose ne cadre pas

Comme un nu sur une couverture

qu'on voudrait rhabiller

Des angelots pudiques à qui l'on aurait peint un sexe

Quelque chose ne cadre pas

Comme un jeu de miroirs de dupes

à travers un bout de verre fumé

Comme un match de ping-pong de regards

qui ferait un œil au beurre noir

Comme un dicton éculé

Cache ta lune tu vas faire peur au soleil

3/V2 : L'odeur des images

3/V2 : L'odeur des images

images : 

l'amour au temps du choléra / 

boutique de parfums / 

chaîne rouillée)


l'arôme sépia café du temps qui passe

l'humus des souvenirs percolés

la dolce vità au temps du choléra

autant d'amour que d'Eau de Cologne Farina

médic'amant livré au crépuscule pourrissant par le bateau à aubes 

opopanax en flacon chantourné

chassant les miasmes

les effluves du fleuve les relents de ses berges

les boutiques-nausée opium des mélanges

œillades des œillets dans les yeux morts-dorés

de la femme fragrance alanguie

le parfum de l'amour après la pluie

pétrichor pétri de l'amour

de ses chaînes en bouquet

les bains d'acide où l'image révèle son secret parfumé

les souvenirs d'odeurs ne rouillent jamais

lundi 12 mai 2025

9/V1 S'y noyer même

    

    

 "à chaque fois que je vais dîner chez mes parents, j'en ressors transpercé par mon enfance" (Antonio Lobo Antunes) Livre de Chroniques

  Un jour il faut se jeter à l'eau. Dévorer des yeux le bleu, l'important c'est de se fondre dans l'azur, faire partie du ciel, s'y noyer même, tout en douceur de coton.

Je promène ma vie dans des livres aimés, un labyrinthe de mots écrits par d'autres et qui clignotent à chaque carrefour pour m'indiquer une direction, qui si elle n'est pas la bonne, n'en sera pour autant pas maléfique. La mise en abyme de l'image est un oeil vorace qui m'aspire mais me nourrit au lieu de me manger. Un méli-mélo de surprises et de reconstitutions et je me laisse aspirer à plus de profondeur, quitte à étouffer, suffoquer même. C'est à mon tout d'écrire mes chroniques sur pilotis.

Dois-je freiner ? dois-je accélérer ? Dois-je m'envelopper de nostalgies ou émerger de ces ouates mortifèrement bleues ? Dois-je les dissoudre ? Comment assembler ces azulejos pour en faire une fresque intime à mettre entre toutes les mains ? les empiler façon château de cartes quitte à les voir se briser en d'autres figures qui me ressembleraient aussi ? Ainsi s'écrit un livre à petits carreaux, de ceux qu'on lit le dimanche quand on n'a plus le goût à rien.

A Lisbonne les tramways jaunes brinqueballent, je laisse les gondoles à Venise et je prends le premier vaporetto venu, tant de bateaux et si peu de rivages où jeter l'encre, tout me donne le mal de mère.


L'œil et la source /2 bis/ Incertitude


 

Je me fais un film. C'est tout. Je filme un arrêt sur image. Je filme le temps qui se pose. Je filme le lieu de la pensée. Le lieu d'avant les mots. Je fixe le silence autour. Je prends la photo du silence du lieu. L'espace est clos, même dehors. Enfin il se ferme. Il s'enferme Dans un halo, il se fige. Il se contracte avant de se diffracter. C'est un tout. Je déambule, je regarde et je fixe. Je vois et tout se fige. C'est mental. C'est encore flou entre voir et penser. Quelque chose est en naissance. Il y a de l'insensible. Et de l'intense. Une toile d'araignée, un reflet reposé, une idée sur un fil. La main peut écrire sans savoir ce qui va s'écrire. Un désir flou prend forme. Filmer le flou du désir. S'infiltrer dans le mouvement de cet ailleurs. Fixer ce qui n'est pas encore, cet éphémère sans mot. Je fais le film d'une pensée qui ne sait pas ce qu'elle pense. Je fixe l'incertain de l'instant. Dans une pensée vacillante. La pensée s'auréole et fait un travail d'équilibriste . Dans la perfection du cercle. Entre ciel et terre. Toujours. Elle se cherche. Elle se perd. C'est toujours un peu flou. Il faut tenir sur le fil. Aller lentement. Sentir sous le pied ce qui fait terre. Ce qui fait support de soi. La singularité d'être dans ce qui pourrait se nommer berceau. Et rapprocher les fulgurances. La vibration sous le pied se ressent. Au bord, l'abime. Et l'ombre aussi. L'horizon est encore trop lointain. Fixer le réel proche. Celui qui peut se toucher du doigt. Celui qui peut faire chuter. Ou se tenir droit. Promouvoir un équilibre. Une vision un peu plus nette. Même si l'on est dans un malentendu. Il y a des malentendus qui ouvrent une voie. Ou qui génèrent un choc. Ou qui explorent une forme de démesure. Se laisser entraîner sur ces rives d'aquarelle. Se laisser étonner, éblouir, déconcerter par cet esprit autre. Fragment après fragment. Avec l'aide d'une forme de hasard. Dans l'ignorance du comment çà nait, çà se pense. Çà s'écrit. Çà se filme. il se passe quelque chose d'insolite. On ne sait pas tout. Une voix s'énonce. Elle ne sait pas ce qu'elle dit. Elle va et vient. Elle émerge du flou. Elle cherche une issue Elle tente de se tenir debout. Elle est dans la tentative. Et joue avec la tentation. Elle tâtonne. Elle louvoie. Elle oscille. Elle balbutie. Elle est en devenir.

mercredi 7 mai 2025

L'œil et la source/ 8

 

 



 

et nous irons çà et là comme des âmes en peine



peut-être en fixant le regard sur un horizon dont on a depuis longtemps oublié qui en a dessiné la ligne

d'où venons-nous et où allons-nous ne sont plus des questions que l'on se pose désormais

ce sont les chemins de traverse que l'on emprunte

nous sommes loin dehors à nous laisser flotter

à chercher le chemin du poème qu'il reste à écrire


                          

celui avec ses images et ses tours de langue

les métaphores insérées dans l'arrière-pays de l'image

jusqu'à l'absurde parfois

et qui élargit l'étroit passage où nous nous tenons au quotidien

laissant ainsi le souffle se dilater

 


le chemin de traverse a la propriété de couper un lieu en le reliant à un autre par un chemin plus rapide à parcourir que le chemin initial

mais mes chemins de traverse ne sont pas des raccourcis

le but n'est pas d'arriver, mais de musarder, de perdre le temps qu'il reste à errer de çà de là en occultant le but final

à suivre une incertitude sensible




se tenir face à la mer dans ce que l'on peut nommer l'Ouvert

ou se laisser flotter sur l'eau d'une rivière les pensées en apnée ou en libre affinité, en naturelle attraction

vers l'ouverture d'un infini

vers une parole qui recueille

et qui s'étoile en tous sens, trace de beaux détours pour aller de soi à soi-même

de la dispersion à sa propre rencontre





derrière l'image il y a une voix qui se dévoile

une voix qui advient et qui voit venir

une voix qui écoute ce qui vient

une voix qui s'impose et impose le chemin à suivre

celui inattendu inespéré pas même imaginé



une voie qui invite à la méditation

 








lundi 5 mai 2025

 CHERCHER - VOIR  (9)




 

VOIR - CHERCHER où TROUVER  (9)

Ici de l'eau 
accouchée d'une étoile
encense la journée de
ses  soupçons dorés
perles d'amour au passant esseulé
gouttes de vie au chat
sur la margelle
enchantement étonnement
aux limbes des étés
lignes perpétuelles des bleus
réinventés
Là-bas des points tellement petits
tellement vivants
bras levés offrande impénitente
à l'eau-de-vie l'eau-de-là
sous-jacente  par-delà les nuages
courbure des corps
dédoublement des sens
dos de livres épinglés
sur lignes de la connaissance
ne pas courber l'échine devant le
poids des mots
prendre le temps
le temps de les apprivoiser
le temps de lire et de comprendre
pour aimer
aimer le feu qui coule sous la braise
aimer l'eau pour attiser
le feu
le feu du savoir tapi à l'angle des vagues
virgules cognitives du pouvoir des mots







 

CHERCHER - VOIR (8)


 

 CHERCHER - VOIR où TROUVER (8)

 Engrillagées  derrière les murs
de lave de feu de sang
et derrière l'impudeur de la
folie humaine le regard battu
par les lignes-frontières
les diagonales du crime
femmes accusées molestées dépecées
dans leurs chairs leur corps
anéanti nié renié
petit carré bleu jeté dans le reflet des vagues
fantasmes engloutis
les pieds liés
les poings meurtris
dans l'eau sournoise
clepsydre de la liberté
il n'y a pas de rivage pour entreposer ses rêves
pas de relief pas de possibles
pouvoir tourner la tête
suivre l'oiseau des yeux
s'enfuir trouer les murs
déchirer les tentures découper les tissus
tissus-habits tissus-mensonges
oser penser à un ailleurs
pour reconstruire l'ici

samedi 3 mai 2025

L'œil et la source / 1 bis / Implicite

 

Un roitelet à triple bandeau est venu toquer à la vitre. Regulus ignicapilla de son nom savant. Si petit, si léger. Il me gratifie de son chant, d'une suite rapide de notes aigües. Il reste un long moment à tourbillonner entre arbres, buisson de roses et margelle de la fenêtre. À nasiller, à babiller, à chevroter, à jaboter, à bafouiller, à chuchoter, à balbutier, à parler. L'oiseau insiste et persiste derrière la fenêtre. En moi cela cogne comme son bec sur la vitre. Il y a quelque chose qui voudrait se dire mais qui n'y parvient pas. Je ne connais pas la langue des oiseaux ni celle des morts. Dans le hors-champ, car il y a toujours un hors-champ à une photo, c'est une matinée d'octobre, et la veille le décès d'un ami proche. Et on pense à ce vers de Rimbaud c'est elle, la petite morte, derrière les rosiers, sans doute parce qu'on n'a pas les mots pour dire. La réalité, dont on ne sait pas grand-chose, est renversée. Les gestes que l'on fait ce matin-là sont automatiques, se figent par instants, et, avec lenteur, s'achèvent. Le corps est dans cet entre-deux. Le roitelet a heurté la vitre de son bec à plusieurs reprises, s'est réfugié dans un arbuste face à la fenêtre, puis, à nouveau, a reproduit son étrange manège, me laissant à l'intérieur pétrifiée. Juste une photo comme trace d'un non-oubli de l'instant, pour tenter de comprendre, pour le garder près de soi. On ne peut pas avoir oublié deux scènes similaires à des années de distance — l'oiseau alors était une mésange — venues contre la vitre tambouriner un adieu après deux décès. En une pensée magique, on se dit, que l'âme de Y. est venue me saluer avant son grand départ, et que sans doute, un peu de colère était en lui vis-à-vis de moi, à la vue de la virulence du bec, à juste titre il faut bien l'avouer. Je demeure dans le flou. Tout est flou autour de moi. Je suis floue moi-même. On voudrait suivre la route au-dessus du jardin, mais elle ne mène nulle part. Il n'y a rien à espérer. Le roitelet s'est envolé. Il a trouvé un chemin par où s'en aller, une cavité où se faufiler, un ourlet dans le temps et dans l'espace, un ailleurs. Il n'est pas revenu. Les mésanges, non plus n'étaient pas revenues. Il ne faut surtout pas rater cet instant-là, cette dernière rencontre, ce dernier signe qui se faufile entre les mailles du jour.Tout bascule si vite de la vie à la mort.