Il se passa plusieurs
semaines sans que je le revoie ; quand à la caisse d'un supermarché,
je l'aperçus entrain de régler ses achats. Et moi qui me trouvais
là, derrière six chariots débordants de victuailles. Il allait
encore m'échapper. J'eus le temps de contempler ses épaules
intempérantes, sa démarche souple, ses pieds nickelés et
d'entendre chanter son do-ré-mi dont je sus aussitôt qu'il m'était
destiné. Il portait ce jour-là un casquette qui masquait ses
cheveux tombant sur les épaules. Je lâchai tout, abandonnai mon
chariot, refusant qu'il m'échappe encore. Bousculant tout le monde …
pardon … pardon … je sortis le plus vite possible du magasin
quand j'aperçus sa voiture disparaître du parking. Je n'avais vu ni
sa bouche ni son front, ni son ventre pas plus que ses chevilles.
Mais ce que je regrettais le plus étaient ses oreilles cachées sous
ses longs cheveux souples. J'aime les oreilles, elles disent tout
d'un être humain.
De longues semaines
s'écoulèrent sans qu'aucune nouvelle rencontre n'eut lieu. Un soir
au cinéma, dans une salle pleine, je m'assis par hasard non loin
d'une silhouette dont je compris immédiatement que, oui, là,
c'était LUI. Situé à ma gauche, le regard braqué sur sa bouche
bée, j'oubliais l'écran. A quoi bon : mon film était là. Pendant
une heure et demie, j'admirais son front de mer impétueux,
respirais selon le rythme de son ventre métronome. Quand à la fin
du film, il secoua ses longs cheveux et que m'apparurent ses oreilles
immaculées, je sus que c'étaient les oreilles immaculées du péché
et que nous allions délicieusement le commettre ensemble.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire