lundi 19 février 2018

au cimetière de l'Oisans, #2

2. Giselle T.
J'ai toujours bavassé avec les clients de l'hôtel-restaurant, paroles enchaînées délestées de mon poids que je trainais à longueur de journée affairée aux travaux de la cuisine, du service, du linge, du ménage des chambres. Et ça m'a tuée.
Le Marcel, mon mari, me disait : arrête, tu les saoules les clients et après ils ne commandent plus notre Génépi !
On avait de franches rigolades avec les clients de passage et surtout avec ceux du village qui venaient boire le coup et faire les commères. Un jour, est arrivé le diable, oh, pas avec des cornes hein, un bel homme, bien habillé, un Monsieur de la ville. Il est resté presque six semaines à l'hôtel, seul. Peu à peu on a parlé mais j'étais intimidée au début. On a parlé, parlé et il se rapprochait un peu plus de moi, me frôlait. Un soir, j'ai accepté de monter dans sa chambre sous prétexte que...  quand le Marcel s'était endormi hein. Et pis, ça a recommencé, recommencé. Il me disait que j'étais une Dame, que je méritais une autre vie, plus grande, qu'il m'amènerait...
J'ai cru. J'étais contente. Il me pressait de plus en plus de venir avec lui dans la vallée.
La dernière semaine, j'ai tout dit au Marcel. J'aime pas les mensonges. Il en est tombé de sa chaise, pis il est parti. J'ai continué le travail, il n'y avait que les touristes ce jour-là. Personne du village n'est apparu. Marcel avait certainement raconté l'histoire...
Quand tout a été rangé, j'ai préparé ma valise. Et je suis montée dans la chambre...
Le lit était fait. Pas de bruit. Pas de Bel homme. Un mot. L'émotion que j'aie eue en lisant la lettre ! Ben, encore maintenant ça m'en fait perdre la mémoire. Ca disait quelque chose comme un télégramme reçu d'une femme qui l'avait quitté et que c'est pour ça qu'il était venu se réfugier ici, que cette femme voulait qu'il revienne. Qu'il redescendait donc. Sans moi. Sans excuse. Sans baiser.
C'était bref. Un coup au ventre.
Je ne sais pas si c'est la peine ou la honte, mais un brouillard de larmes m'a envahie, pis un vide dans le creux du cerveau.
La honte parce que tout le monde savait à cette heure, et que ça devait bien faire des histoires dans les maisons. Pensez donc...
La trahison, pourquoi ne m'avoir pas dit, avant? Pas dit que sa pensée allait vers une autre?
Ca m'a brûlé.
Alors je suis allée au pont du diable à l'entrée du village. Dessous, avec la fonte des neiges, le ruisseau débordait, les vagues tourbillonnaient avant de se jeter dans le Vénéon en contre-bas.
Elle était glacée, l'eau...


1 commentaire:

Ange-gabrielle a dit…

Hé bé ! ça inspire les morts ... J'en ai encore 2 à écrire mais comme c'étaient des personnages que j'aimais peu j'ai moins de plaisir à m'y mettre
J'attends la suite ...