Mme Mulpy :
Si j'avais pensé qu'un
jour c'est tout près de moi qu'il serait celui-là, à quelques
mètres seulement. Ah ! Il a moins fière allure maintenant qu'il
n'est plus qu'un tas d'os blanchis. Je le voyais passer plusieurs
fois par jour sur son tracteur, rasé de frais, pimpant, lançant des
oeillades de droite, de gauche pour s'assurer qu'elles étaient aux
aguets derrière leurs rideaux.
Mes voisins d'à côté
m'appelaient chaque jour, au moins une fois, pour voir si j'étais
encore bien vivante. Ils avaient peur qu'ils disaient ; pas peur pour
moi, peur de la mort, j'étais pas dupe, peur de ce qu'ils allaient
trouver derrière la porte si je venais à clamser. Je le savais, en
fait je les attendais. Je faisais exprès de me cacher pour qu'ils
paniquent un peu.
Dans mon unique pièce,
les journaux entassés à même le sol de terre battue les
effrayaient tous. Ils craignaient qu'un jour tout s'enflamme. Les
journaux c'était pour allumer mon poèle pas pour foutre le feu. Je
les laissais me chercher et comme je passais pour sourde, c'était
facile. Je répondais pas. Les gamins aussi s'y mettaient : ils
criaient mon nom, ouvraient la porte et partaient en gueulant « Mme
Mulpy, elle est morte, y a personne chez elle ». Ca me faisait
de la compagnie.
Aux beaux jours, passés
quatre-vingt-dix ans, je grattais encore dans mon jardin. C'est là
qu'un après-midi mon fils m'a trouvée : j'avais semé les salades
quand la fatigue m'a prise, tombée, le nez dans les violettes. Pas
de quoi avoir peur franchement.
1 commentaire:
mourir le nez dans les violettes, c'est tentant !!
(mon 1er commentaire n'est pas apparu, les mystères d'outre tombe sans doute. )
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