"Les Morts nous parlent #1"
Jean-Pierre V.
Vous me teniez la main, vous ne vouliez pas me laisser partir. Mais moi, je sentais bien que mon temps sur la Terre était fini. Je ne dis pas que je n'aurais pas aimé rester plus longtemps parmi vous mais je savais que j'allais souffrir, que j'allais devoir affronter une longue maladie comme dit la Faculté. Et là, je dis Non! Stop! Voir mon corps se déliter, mes organes se putréfier, mes sens se geler sous la force du mal! Me tordre de douleur! Devenir un légume! Halte-là! Je ne voulais pas, je ne pouvais pas. Etais-je trop lâche pour ne pas affronter remèdes et médecines qui m'auraient prolongé? Qui n'auraient fait que reculer l'heure de ma mort? Mon esprit d'aventure était-il si pressé de partir se promener dans l'au-delà et découvrir les autres rives du Styx? Je n'ai toujours pas la réponse.
Je savais bien que vous alliez être tristes, très tristes, le corps et le cœur en berne. Mais réfléchissez un peu: cinq ans après, une bouche de moins à nourrir et pas des moindres! Combien de repas économisés? Les anniversaires, les Noëls, combien de cadeaux vous n'avez plus eu à chercher, à offrir de bon cœur ou peut- être pas...Mon mauvais esprit m'égare...
Je vous vois, je vous guette même parfois je vous épie et je sais bien qu'on a encore des choses à se dire. Moi accroché, empêtré au limon du fleuve, vous les pieds sur terre ou quelquefois dans l'eau quand vous venez me voir. De temps en temps une ablette ou un vairon vient reluquer mes cendres et me rappeler que les corps existent. Ou alors quelques grains de mon cœur se détachent, flottent et s'en vont par les méandres de la rivière vous rejoindre où que vous soyez vous dire que je vous aime que c'est comme ça qu'on n'en a jamais fini mais que ça peut être autrement.
Et si vous voyez quelques bulles agiter la surface de l'eau c'est ma respiration, mon souffle qui s'agite pour vous.
1 commentaire:
Je ne les regarderai plus jamais de la même façon ces bulles-là qui semblent sortir de sous le limon
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