vendredi 23 février 2018

Cimetière de l'Oisans @4

4. Maurice Ils m'avaient tous fait chier, la famille, les voisins, leurs chats sur lesquels je tirais car ils venaient tracasser mes poules et pisser dans mes fleurs. Tous. Et surtout mes deux championnes : mes deux ex-femmes. J'ai donc pris la garde du refuge du fond de la vallée, un cul de sac. Et ça m'allait bien. De novembre à mai, je ne voyais quasiment personne. Pas un chat (heureusement pour eux). Mon enterrement... ah quelle aventure ! d'abord ils m'ont retrouvé momifié, 2 mois après ma mort (le froid glacial conserve bien). Ils m'ont mis dans un cercueil. Douze personnes de la famille sont venues à la cérémonie. Le curé avait un texte "à trou": le même pour tout le monde, et dans le trou du texte : mon prénom. Et vas-y que..."Souvenez-vous de tout ce qu'il vous a apporté dans votre vie, (trou): Maurice", "Faites une minute de silence pour vous recueillir sur l'âme de (trou) Maurice", "on va dire la prière du saint machin en mémoire du cher (trou) Maurice" etc. Bon, le curé a bâclé la cérémonie, il a dû voir comme moi que ça commençait à ricaner dans l'église. Et puis il y a eu les adieux au mort : ma fille a commencé par passer du côté gauche du cercueil, mon fils à droite, et les dix autres se sont répartis comme des crétins de chaque côté. Cela a fait un bouchon, ils ne pouvaient plus circuler autour de la boîte en bois comme le curé le voulait. J'en boufferais encore du curé si je le pouvais ! Mais là franchement, j'étais mort de rire ! Ils se sont donc arrêtés en cercle autour de moi, genre... et ben voilà, on fait quoi maintenant? face à cette situation embarrassante, le curé a donné une craie : "tenez, écrivez sur le cercueil un petit message pour Maurice" (ici, il n'y avait pas de trou dans sa phrase improvisée). Non Mais ! Je n'avais encore jamais vu ça! Ecrire sur un cercueil ! Est-ce un nouveau rite ? Ma fille a dessiné un coeur. La belle petite. Et puis ils sont sortis. Je ne voulais pas aller au cimetière, j'aurais souhaité être brûlé comme les indiens d'Inde ! et qu'on jète mes cendres dans ma rivière. Un peu sur ma montagne aussi. Mais bon ça ne se fait pas et me voilà aux côtés des autres imbéciles, surtout la maîtresse, je la déteste celle-là (jeune fille, elle a refusé de m'embrasser), mais je ne peux pas lui tirer dessus comme sur une chatte. Dommage... Je vais lui envoyer quelques vers de plus, histoire qu'elle fasse moins la belle, maintenant. Il n'y a qu'avec le Gaspard que je m'entends, faut dire qu'on est aussi taiseux l'un que l'autre. Le silence, ça arrange bien les relations humaines. Des fois quand même, on se marre en se souvenant des jeunes filles que nous avions draguées dans notre jeunesse. Mes enfants me manquent, faut le dire, oui, mes frères et ma soeur aussi. je les aime, mais de mon vivant,
je ne pouvais pas ne pas leur faire la gueule. C'est comme ça.

2 commentaires:

MarieBipe REDON a dit…

en effet !!!

Laura-Solange a dit…

Enigmatique photo! J'aime bien le texte à trou!!!