mardi 8 janvier 2019

Etrange/ 4

Sur les berges d’une rivière, il est coutumier de laisser vagabonder son esprit. Ils sont nombreux les êtres de toutes sortes qui se sont posés sur l’herbe ou sur les pierres du bord de l’eau, ont laissé leurs pensées glisser sur le courant en triturant quelque galet entre leurs doigts. Tous ces hommes, toutes ces femmes prenant un temps d’arrêt dans leur vie, déposant leur regard sur la surface de l’onde, en tête à tête avec les absences qui les ont façonnés, tentant de se franchir eux-mêmes, surplombés de la mémoire des ruines.
Ce jour là, vers la fin de l’été, l’homme, après avoir posé son vélo contre un arbre a érigé rapidement une tente qu’il a plantée, pas trop près de la rivière, par prudence, et un peu à l’abri de l’ énorme paroi rocheuse pour ne pas être visible de la route sinuant au-dessus de la vallée. Ce site est protégé et il est interdit de faire du feu, de camper, de pratiquer le moto-cross et d’autres actions qu’il n’a pas mémorisées. Le ciel s’est assombri assez soudainement mais il est trop fatigué pour s’en soucier après le parcours en montagnes russes qu’il a traversées aujourd’hui. 
Ce lieu lui semble familier, comme s’il venait de franchir un passage entre l’homme qu’il est aujourd’hui et l’enfant qu’il a été. L’enfant n’est plus depuis longtemps mais son enfance coule toujours dans ses veines. Elle est tout à la fois emplie de silence et bruissante de mille petites voix. Il lui semble les reconnaître dans le flux de la rivière. Qu’importe quel jour de quel an il se trouve, il est dans cette atemporalité génératrice de songes.


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