dimanche 26 décembre 2021

Objet d'hier et d'aujourd'hui

Osier, osier, osier, de 3 couleurs tressées

lisse au regard vernis, rugueuse au toucher sombre

élégante et vieillotte, inattendue, choisie

La valise en osier pour partir en pique-nique

prendre le thé glacé, macarons, trucs et chips

la campagne en été / rituel liturgique

Le déjeuner sur l'herbe en ajustant la nappe

Les tranches de concombre, les assiettes en plastique

Ou bien ranger dedans les carnets de dessins

érotiques de pics /enneigés mais pas trop,

de cols ultramariens / frontières, accouchements

les parchemins de gloire toute semée d'embûches

éternel émigrant, voyageur inconstant

 

45 ans plus tard,

la valise chinée exhumée des fantômes

cadeau plus-que-parfait à l'usure raisonnable

Objets inanimés surgissant de l'oubli,

voyageurs souvenirs passant de mains en mains.


On défait les ferrures précautionneusement,

la valise béante l'avale d'un seul tenant

comme s'il y découvrait la tête d'une morte

 

Le cadeau le transperce : "je ne peux pas le prendre"

 

Il m'écrivait des lettres noires de chagrin de Chine,

bourdonnantes d'abeilles coiffes et blouses blanches

tandis que la tumeur avançait dans sa tête

 et l'emmourrait d'une lumière toute chirurgicale.

...

Dans la douce valise prête depuis longtemps,

comme on part accoucher, les brassières de bébé

Savait-elle, ELLE, qu'elle ne reviendrait jamais ?

Des ombres de chaise vide, des odeurs chimiques

ses précieuses affaires, chemises de nuit brodées

un souvenir béant au sein de l'existence

Une écriture muette sur la nappe du temps

Parchemins en poussière, rouleaux de sa mère morte.

4 commentaires:

Ange-gabrielle a dit…

Une merveille que je découvre en pleine campagne au Prieuré d'Alleyrac, lieu magique pr ton texte (t'envoie des photos). Ça chante, ça pleure, ça swingue, y a rythme de blues là dedans. Chaque mot est trop beau et chante le chagrin.

Lìn a dit…

oui d'abord ce qui surprend c'est le swingue de la première partie. La beauté des mots. Mais la coupure ensuite (toujours la beauté des mots), un rythme plus lent. Ca m'évoque ton vieil ami avec qui tu as fait plein de choses et qui est décédé il y a une poignée d'années. C'est aussi une sorte de temps qui passe, d'abord la jeunesse vigourette (inventons des mots), puis une sorte de ralentissement lié à la gravité. la valise suit le processus.

Lìn a dit…

une sorte d'autobiographie avec les passages les plus prégnants ?

Michelangelo a dit…

C’est comme une musique née du mélange de rythmes, de mots et de sens : on sent monter du texte les émotions qui descendent en soi y faire résonner quelques vieilles tristesses et se lever un sentiment d’humaine fraternité.