Dans
la rue, il est presque
huit
heures . Enfin la rue n'est pas vraiment le terme adapté, ici on
appelle calle
cet
espace étroit bordé de maisons d'où rien ne filtre de
ces
vies bien
cachées.
Elle surgit d'un coin sombre, et sombre elle l'est aussi dans sa
tenue de vieille vénitienne. Parvenue au pied d'un pont qui enjambe
un
rio,
elle
se fige dans l'attente du premier passant qui avance derrière elle.
Elle glisse son bras sous le sien en tâtonnant un peu, puis, sans
qu'il soit possible à l'homme de refuser, elle lui murmure qu'elle
ne voit plus grand-chose et qu'elle a peur de monter sur le pont
toute seule. A 86 ans elle est encore alerte mais sa vue faiblissant
elle n'est plus aussi sûre de
son pas qu'avant.
L'homme ainsi agrippé ralentit son allure, l'aide à franchir cet
obstacle et pousse le zèle jusqu'à l'aider à passer le second pont
éloigné de quelques dizaines de mètres seulement. Toujours sans le
regarder, la vieille femme le remercie avec volubilité, lui baise la
main et susurre «
Lei è un angelo, un angelo ».
Sans s'être vraiment vus, ils se séparent et poursuivent leur
trajet d'obscurité . Cette
vieille vénitienne aurait pu sans doute se faufiler dans la trilogie
de Kieslovski à l'image de sa consœur polonaise éprouvant
une
certaine difficulté
à insérer
une bouteille dans le container à verre qu'on
retrouve à
trois reprises
dans Bleu, Blanc et Rouge.
Une
manière simple d'insister,
de dire qu'il y a
quelque chose à
lire
dans
ces petits gestes du quotidien, à
déchiffrer
une philosophie de la vie
et
décrypter
les signes qui
se
murmurent
ainsi.
Un
pas à faire, il n'y a parfois qu'un pas à faire pour
qu'un sourire naisse sur un visage.
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