Ce soir-là, je
m'allonge, montagne d'épuisement ; tout le jour je n'ai pu reprendre
haleine ; je me suis noyée, démantelée, rauque, appelée du
profond, dans une mer asséchée d'où je ne remontais que des
coquilles dont on n'ouvre pas le secret. Je veux dormir, oublier les
gerçures, les balafres, la lente calcination des heures.
Etendue dans des draps
durs cousus de torpeur, j'esquive le regard du gouffre, mon corps
glissant appelle la paix du sommeil profond. Une apnée écrite dans
la détresse du jour fait bégayer la lumière par lourdes coulées,
j'étouffe ; de ce moment brûlé sourd un vide aveuglant, engluée
dans une chaleur de lavande, le dehors me traverse, incandescent. Je
vois mes déserts, mes désirs, mes soifs, toutes mes peurs.
Dans un miroitement,
j'inspire autour d'un mot qui fuit, je reprends haleine, des ombres
mangent dans ma main, une croûte grise se détache de ma tête qui
cogne. Appelée du profond, la réserve de souffle fait s'évaser des
possibilités, des trames se déchirent, la lumière entaille les
ombres, lente calcination. Mon front s'oublie sur une épaule
inépuisable. Je reprends pieds par bégaiement d'intervalles, je
repousse l'horizon, le ravin se transforme en lac miroitant d'élytres
…
… Quand une seconde
encre charbonneuse me culbute le long des plinthes de la terre, des
langues de schistes durcissent, la mer s'assèche, des ombres où
nulle lumière n'entaille m'aspirent vers l'étouffement.
De lointains au-dedans,
fins feuillets brisés, surgit une immense inspiration ; le ciel
proche m'envahit, l'eau bouge en courses fluides entre de grands
golfes contradictoires, les ombres mangent dans ma main, âmes
flottées, espoir réapparu.
Etrangère et
participante, je crache d'entre mes lèvres un paysage de sel, me
désaltère du gras des joubarbes. Un trouble m'envahit d'une voix
éteinte, immobile ; une obscure paix installe sa lente palpitation
dans mes poumons apaisés.
5 commentaires:
ça fait du bien, des mots pleins de consistance et de souffle pour parler de qui n'en a pas, c'est vraiment bien
Voilà, c'est tout à fait ça que j'imaginais!!!! C'est vraiment très bien...
Hé bien, merci à vous car je ne savais pas si j'étais bien dans la consigne. Je me suis assise au soleil dans le jardin avec un stabilo, ai barbouillé le texte n°12 avec beaucoup de plaisir, l'ai secoué, mélangé comme au 421 avec le mot "Apnée" en fil conducteur, ai lancé le tout sur le tapis et voilà ce qui en est ressorti, presque à mon insu.
les mots sont tapis dans nos replis et n'attendent qu'un rayon de soleil (ou une Solange, ou un petit aiguillon gentil) pour éclore
Et oui même avec l'absence la magie des mots opère...
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