On n'a pas le droit de dire les noms. Je les connais cachés dans mes gènes sans toujours savoir que c'étaient là qu'ils habitaient, comme un patrimoine en vrac, sans savoir exactement où les situer par rapport au berceau. Le premier pli fait comme une douche en Y faisant couler du vert et du plus ou moins marron avec les veines bleues du fleuve chéri dont l'une des boucles est coupée car au-delà des limites.
"La déclinaison magnétique correspond au centre de la feuille, au 1er janvier 2007. Elle diminue chaque année de 0,14 gr". Bigre, c'est bon à savoir !
En bas du 2ème pli, mais au Nord du 4ème carré, c'est "Là", avec ce drôle de nom qu'on n'a encore moins le droit de dire, car dans un autre contexte, c'est un gros mot. Tandis que là, ça veut dire "pierres", ça commençait déjà là, l'épopée. Sur la carte au 1/25 000 ème, je vois presque la maison où je suis née. C'est si précis qu'on voit même les ronds-points. Dans les 3ème et le 4ème plis, un espace presque blanc, comme glacé au sucre, si blanc par rapport aux autres reliefs, si l'on en croit les dégradés, et il n'y a aucune raison de ne pas les croire- qu'on pourrait le penser au dessous du niveau de la mer. La veine bleue continue son chemin, se glissant dans une gorge, faisant croire qu'elle se partage alors qu'elle reçoit un affluent, mais toujours cette manie, ce faux-ami de lire du haut en bas.
Cette grande entaille orange, c'est une nationale qui coupe ici un village en 2.
"Equidistance des courbes : 5m"
Dans un coin du 3ème pli, le lac (dans la légende : Nappe d'eau permanente")un lac de cratère, donc tout rond. Autour, du vert et encore du vert, pointu. Ce sont les forêts de conifères. Un 1er janvier pour fêter ça, nous nous y étions rendus, respirer l'air de l'an neuf, marcher sur une timide pellicule de neige qui ne figure pas sur la carte.
Quelques signes sont difficiles à déchiffrer, à l'extrême nord ouest, je décide qu'il s'agit d'anciens vestiges de voies carrossables, je verrai qu'en faire plus tard.
En scrutant bien on aperçoit parfois une chapelle ou une croix solitaire, fichée au bord de la route ou bien plantée en sentinelle reconnaissante à 1076 m d'altitude.
Relevant certains noms de lieux, je fais des "Ah !" je fais des "ça alors !"
parce que leur contigüité m'étonne et me réjouit mais qu'en même temps ça bouleverse complètement ma géographie primitive.
Un jour il faudrait relever le nombre de fois où les lieux sont des pierres des roches et des cailloux.
1 commentaire:
Très fort, la manipulation du papier pour voir et reconnaître les lieux, les noms qui semblent surgir du fond de la mémoire, remettent en cause la géographie des souvenirs et s'ouvrent comme des rideaux de théâtre sur on ne sait quoi encore.
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