Le
nom de Parme, une des villes où je désirais le plus aller, depuis
que j'avais lu la Chartreuse, m'apparaissant compact, lisse,
mauve et doux; si on me parlait d'une maison quelconque de Parme dans
laquelle je serais reçu, on me causait le plaisir de penser que
j'habiterais une demeure lisse, compacte, mauve et douce, qui n'avait
de rapport avec les demeures d'aucune ville d'Italie puisque je
l'imaginais seulement à l'aide de cette syllabe lourde du nom de
Parme, où ne circule aucun air, et de tout ce que je lui avais fait
absorber de douceur stendhalienne et du reflet des violettes. Et
quand je pensais à Florence, c'était comme à une ville
miraculeusement embaumée et semblable à une corolle, parce qu'elle
s'appelait la cité des lys et sa cathédrale,
Sainte-Marie-des-Fleurs.
un soupçon d'Emmanuel Ruben ( Dans les ruines de la carte):
C’est
avec A la Recherche du temps perdu que les noms propres ont
acquis dans la littérature une couleur, une odeur, une douceur, une
saveur, un écho. Pour la première fois, les noms propres ont
déployé toute la palette de valeurs qu’ils peuvent avoir pour un
enfant dont le regard erre depuis des heures sur un atlas. La
Recherche , on le sait, est tout autant une quête de l’espace
perdu que du temps perdu.
Et Pierre Michon pour terminer ( extrait trouvé dans les Cahiers de L'Herne qui lui sont consacrés):
C’est
quoi le réel articulé à la langue? Dans les VM, on le
trouve, par exemple, à l’état brut dans certains noms de lieux:
les lieux-dits, les noms de carrefours – Croix du Sud, Croix de
Laurençon- ces mots qui désignent des sites non habités, à
l’écart, et cependant marqués, par une croix, une pierre levée
ou un arbre remarquable. On a toujours l’impression que ces lieux
sont liés à un viol, une mort violente ou une adoration oubliée, à
la mémoire d’un crime ou d’un saint obscur. Le carrefour a
quelque chose de violent en lui-même. Et puis j’aime les très
anciennes nominations: les noms de fleuves, par exemple, qui se
ressemblent partout dans le monde, sans explication possible, avec
une simplicité à rendre fous les étymologistes. Je repense aussi
aux noms de ces hameaux de la Creuse où se déroule l’action des
VM :quand je me suis dit que j’allais nommer ces lieux en
leur conservant leurs véritables noms, ceux qui apparaissent sur les
cartes, quand j’ai vu que ma main acceptait de tracer ces mots-là,
j’ai eu la sensation qu’ils étaient aussi forts et aussi vrais
que ceux de La Recherche.
dresser
une liste de noms de lieux inscrits sur notre carte de référence, s'en
saisir comme de sésames poétiques; écrire pour plusieurs d'entre eux
une évocation ou faire en sorte qu'ils soient déclencheurs d'échos. Le
travail peut - doit - se poursuivre en creusant la matière de ces noms!
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