Elle ne naît pas la nuit. Elle naît à 4 heures du soir le 8 octobre 1888. Elle est la première à rester vivante. Elle inaugure son prénom dans sa famille mais c'est courant dans son village. Elle est fille de Jean Pierre et Marie Amélie. Elle ne va pas à l'école. Elle reste accroupie sous la table à écouter les parents. Elle entend les mots et ne les comprend pas. Elle a mal à la tête. Elle garde quand même les moutons. Elle sourit aux vaches en tricotant. Elle a les yeux bleus et ne se demande pas pourquoi. Elle regarde les plantes pousser. Elle regarde les plantes tout court. Elle saura les utiliser plus tard. Elle ne va pas à l'école. Elle a un petit frère André et une petite soeur Amélie. Elle aime chanter et danser. Elle a un petit talent. Elle ne va jamais au Puy avec son père. Elle se demande ce qu'il y a derrière les collines. Elle se cache derrière le tablier de sa mère. Elle ne peut pas le faire longtemps. Elle a six ans habillée de noir. Elle n'a plus de maman, morte si jeune. Elle n'a plus de grand-père non plus, mort quelques mois auparavant. Elle se souvient des mots entendus sous la table. Elle en comprend des bribes. Elle a mal à la tête. Elle ne sait pas encore qu'on peut s'y mettre une feuille de chou et que ça soulage. Elle ne sait pas faire de miracles. Elle court dans les champs, seule. Elle pleure dans le noir. Elle a 10 ans de moins que sa belle-mère. Elles se prénomment toutes 2 Philomène. Elle s'occupe comme elle peut quand on lui en laisse le temps. Elle se cache derrière les jambes de son père. Elle habite dans le café tenu auparavant par son grand-père maternel. Elle entend des mots velus sortis de la bouche des hommes trapus. Elle est habituée à l'odeur du vin. Elle en boit parfois. Elle apprend à compter avant d'apprendre à lire. Elle ne connaît pas ses oncles. Elle sait qu'ils sont morts à la guerre. Elle sait que la guerre, ça fait partie de la vie. Elle s'agenouille le soir pour passer la serpillière. Elle s'agenouille le matin pour faire sa prière. Elle essaie d'aimer sa belle-mère qui est comme une grande soeur malade toujours couchée. Elle a deux demi-soeurs et un demi-frère mis au monde par sa belle-mère toujours couchée. Elle s'occupe d'eux. Elle vit dans un territoire étriqué. Elle ne connaît pas le mot vacances et ne le connaîtra jamais. Elle finit par être une jeune fille. Elle va au bal dans un village voisin. Elle y rencontre un jeune homme cassé qui n'est pas mort à la guerre. Elle répond aux questions des gendarmes. Elle ne sait rien du jeune homme Faure qui travaillait chez eux. Elle suit l'enterrement de son père. Elle regarde la photo sépia et les grosses pierres près de sa tête. Elle a mal à la tête. Elle épouse le jeune homme cassé gazé. Elle suit son enterrement le 9 mars 1919. Elle ne quitte plus ses habits noirs. Elle part. Le 10 janvier 1920 elle épouse Antoine, dans un autre village. Elle aurait pu tomber mieux. Elle aime toujours autant chanter en patois. Elle est célèbre pour ses bourrées avec une bouteille sur la tête et une autre dans chaque main. Elle a un port de tête sans adjectif. Elle rend son époux jaloux par sa joie. Elle met au monde une ribambelle d'enfants, tous les 2 ans, Philomène, Marie, Pierre, Théofrède, Jacques. Elle fait comme les autres elle courbe le dos elle travaille elle prie elle travaille. Elle tricote le soir à la veillée pour habiller ses enfants. Elle boit un coup et en ramasse. Elle entend des insultes qui pleuvent sur sa tête et celle de ma mère. Elle est traitée de grosse truie alors qu'elle est maigre comme un clou. Elle vouvoie son mari et ses enfants comme c'est la coutume. Elle entend la guerre qui est revenue. Elle a peur. Elle aide son mari. Elle aide les femmes à accoucher. Elle cache les étrangers du maquis. Le 7 juin 44, elle est parmi les habitants rassemblés dans le pré tandis que les allemands incendient les bâtiments. Elle est assise sur un tas de cendres. Elle et ma mère contemplent la désolation fumante. Elle pense que Rossignol, c'est pas un nom pour un incendie. Elle fait partie des sinistrés. Elle est séparée de corps et de fait d'avec son époux le 25 février 1947. Elle vit avec son fils à La Fagette. Elle élargit son territoire. Elle sort de la carte. Elle retrouve les moutons. Elle me fait mal à la tête.
Ste Philomène faisait des guérisons[En 1961, la sainte fut rayée du calendrier par la Sacrée Congrégation des Rites. Cette instruction était une directive liturgique qui n'interdit en aucune manière la dévotion privée envers elle.] "À 9 h 30, les habitants de Saint-Jean voient passer un convoi impressionnant venant du Puy et se dirigeant vers Rossignol : 400 hommes, 24 camions avec des canons de 32 mm. La colonne s’arrête au village, puis remonte vers « Rossignol ». Tous les habitants du village sont rassemblés par les soldats dans un pré voisin sous la garde d’une sentinelle. Dans les fermes, les maquisards ont déjà quitté les lieux. En représailles, les Allemands incendient les bâtiments. Vers 14 heures, le convoi allemand retourne au Puy-en-Velay par la route de Bains. Le combat de Rossignol s’achève. Il fera huit victimes dans les rangs français.
Ste Philomène faisait des guérisons[En 1961, la sainte fut rayée du calendrier par la Sacrée Congrégation des Rites. Cette instruction était une directive liturgique qui n'interdit en aucune manière la dévotion privée envers elle.] "À 9 h 30, les habitants de Saint-Jean voient passer un convoi impressionnant venant du Puy et se dirigeant vers Rossignol : 400 hommes, 24 camions avec des canons de 32 mm. La colonne s’arrête au village, puis remonte vers « Rossignol ». Tous les habitants du village sont rassemblés par les soldats dans un pré voisin sous la garde d’une sentinelle. Dans les fermes, les maquisards ont déjà quitté les lieux. En représailles, les Allemands incendient les bâtiments. Vers 14 heures, le convoi allemand retourne au Puy-en-Velay par la route de Bains. Le combat de Rossignol s’achève. Il fera huit victimes dans les rangs français.
- Plaque commémorative (Photo indexée) (Dans l'église)
- Stèle commémorative (Photo indexée) (Hameau de Rossignol - Commune de Saint Jean Lachalm - En témoignage de reconnaissance/envers ceux qui dans l'Honneur et la Dignité sont tombés les premiers sur notre Territoire le 07 juin 1944. Puisse le souvenir de leur sacrifice rester gravé dans les mémoires et animer chacun de nous d'un esprit fraternel - - Ici sont morts pour la libération du Pays le 07 juin 1944 , FAURE Prosper Le Puy GUIGON Henri Langogne PARAT Lucien Brives VALHORGUES Pascal Le Puy du groupe LAFAYETTE. CHANUT Adolphe ELFOND Jacques ELFOND Simon LEWKOWICZ Alfred arrêtés en se rendant ici fusillés à Orcines le 13 juillet 1944. La Commune de Ouïdes aux glorieux F.F.I.morts pour la libération du pays bataille de Rossignol 07 juin 1944. Le monument a été inauguré le 10 juin 1946. L'inscription concernant ceux qui ont été fusillés à Orcines a été ajoutée le 04/06/1994)
- Monument aux Morts (Photo indexée) (Sur la place entre l'église et la mairie)
- Livre d'Or du ministère des pensions (Pas de photo) (Loi du 25 octobre 1919)
1 commentaire:
magnifique, on lit l'histoire d'"elle" avec passion, tu a su non seulement respecter les "consignes" mais mettre le rythme à la hauteur suffisante pour que le lecteur/trice demeure intrigué-e et souhaite connaître la suite.
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