Passé:
Il courre les champs, vagabonde dans la montagne, suit ses moutons, ne se raconte plus des histoires de loups comme il y a encore deux ans, il a 14 ans, il commence à regarder les filles du village, mais son regard reste attaché aux pics blancs au loin, au-delà de la vallée du Vénéon.
Elle part avec dix autres enfants chaque matin, à pied, dans la neige, le froid, ou dans la douceur du printemps, elle rejoint l'école, sa maîtresse vient d'encore plus loin, elle devine qu'elle fera plus tard des livres tant elle sait de choses différentes.
Il ouvre la baraque branlante de ce cul de sac chaque printemps jusqu'à l'automne, accueille les montagnards, ils dorment sur la paille, il leur offre une soupe et du pain rugueux, il redescend de la Bérarde quand les premières neiges arrivent, le bourg restant inaccessible durant les lourds mois d'hiver.
Il vit à Paris, rêve des Alpes chaque nuit, il a déjà parcouru quelques sommets du côté de Chamonix, mais il y a tant de monde dans cette vallée. Il prévoit de découvrir l'Oisans, la région sauvage, inaccessible, intacte encore en ce milieu du XIXè siècle.
Présent:
Il rêve à son ancêtre, essaye de l'imaginer le jour de la Première du Pic de la Meije, quand, éprouvé, éreinté, il a rejoint sa femme et ses enfants qui l'attendaient lui et le fils aîné qui l'avait accompagné au plus haut des sommets idolâtrés des Alpes.
Elle aide son mari à tenir le restaurant, bar, hôtel de Saint-Christophe. Elle lit et relit le livre de la maîtresse de sa propre mère, qui raconte la vie passée dans les villages, leurs villages, les herbes folles des montagnes dont on fait encore la soupe, le quotidien rude de ceux et celles qui vivaient ici.
Il a repris l'ancienne baraque, l'a totalement réaménagée, agrandie, l'eau coule aux robinets, les douches sont tièdes mais suffisantes, le poêle marche bien, il est content. La route vient d'être élargie, elle reste cependant fermée en hiver. Parfois il reste à la Bérarde tout l'hiver, mais certaines années il préfère redescendre à Bourg d'Oisans.
Même s'il est mort depuis longtemps, son nom demeure inscrit dans les livres des aventures de l'Alpinisme, il est le premier (parisien de surcroît) a avoir gravi La Meije avec le père Gaspard de Saint-Christophe et son fils aîné.
Futur:
Elle est guide de Haute Montagne arrière petite fille de familles connues de la vallée, qui comportent plusieurs alpinistes dont la renommée ne s'éteint pas. Elle regarde les sommets avec inquiétude cette année, peu de neige, les glaciers fondent toujours davantage.
Le café, restaurant hôtel de ses aïeux est désormais transféré en haut de la station de sport d'hiver. Il en a gardé le nom. En bas, le petit bourg lui semble minuscule, les maisons sont délabrées, seuls quelques bourgeois bohêmes viennent y camper, jamais en hiver.
La Bérarde n'attire plus les randonneurs ni les alpinistes. Il n'y a plus de neige, plus de glace, les sommets sont lessivés, seules les pluies diluviennes apportent de l'animation. Des plantes du Sud des Alpes poussent maintenant ici.
Il vient de lire un livre où son nom de famille apparaît, il se renseigne, découvre son ancêtre et ce qui l'a poussé à faire la Première du Pic de la Meije. Lui, à Paris, il vend des spectacles son et image virtuels où l'on voit (sur des écrans géants) les hologrammes de personnages anciens gravissant des sommets, mains gelées.
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