samedi 25 novembre 2017

Pour mes deux chéries

Toi, en premier, disparue, (en)volée ; voilà 22 années que je m'adresse à toi toujours si proche ; en silence ; et toi ma cousine, un an que ton corps n'est plus ; toutes deux, la blonde et la brune, vous aviez tant de points communs ; vous vous étiez connues à 17 ans, vous étiez toutes deux nées en 1927 ; l'une m'a tant parlé de l'autre ; toutes deux c'est en novembre que vous vous êtes fait la malle ; à quelques jours près ; qu'importe les années puisqu'elles ne s'écoulent pas.

Je viens de terminer  « Le monde sans vous » de Sylvie Germain et comme je ne saurai mieux le dire :

« Il n'est pas vain de s'adresser à quelqu'un, qu'il soit proche ou lointain, nommé ou ignoré, vif ou mort. Tout appel lancé, même sans boussole, sans grande force, sans certitude, dans l'invisible et le silence, doit bien finir par effleurer un auditeur. Vous êtes mes auditrices des limbes...

… La prose aussi est un dialogue, un serrement de mains, une accolade. Et dans ses maladresses, ses manques, ses bégaiements, il peut parfois lui arriver de se faire étreinte, fugacement. Une étreinte sans prise, inespérée ; une caresse. La prose - un bonjour tremblé d'adieu, un adieu toujours en veille...

... Quant aux sursauts de la mémoire, on ne sait pas toujours quels heurts obscurs les provoquent. On ne connaît même pas l'étendue de sa propre mémoire, et encore moins quelles failles la crevassent, quels courants souterrains la traversent, quel magma éruptif y sommeille. Mais l'intuition poétique peut y donner accès, parfois, comme l'avait compris et expérimenté Ossip Mandelstam, qui comparait la poésie à une « charrue qui affouille le temps afin d'en faire émerger les couches profondes, le tchernoziom …

… Et pas de dernier mot, juste des mots nomades, infusé du silence même qui irradie les disparues, du grand silence qui flue de l'extrême lointain vers lequel ils s'en vont, inexorablement. Juste des mots légers comme des caresses, des signes de salutations, des sourires encore pâles, souvent brouillés de larmes, mais non dépourvus de clarté. Des mots, de simples mots sans prétention, moins pour chercher à bâtir de superbes tombeaux que pour tenter d'ouvrir en grand les tombeaux vides, et de les maintenir tels. »





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2 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est beau comme une émotion pleurée, effleurées d'un sourire, ce reste de complicité entre vous jieffebi

Linette a dit…
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