mercredi 4 octobre 2017

Cartographie Nord Est Ouest Sud

Cartographie Nord
C’est dans un îlot cerné d’aucune mer, mais simplement du halo de l’enfance, que s’étale le grand atlas au vert de velours du Reader’s digest, survenu par voie postale et devant lequel du haut de mes huit ans je restais aimantée des heures durant, fascinée par ces archipels de taches colorées dessinant les reliefs d’un monde balayé de rayons ocre vert ou bleu – langues de soleil ou haillons de costumes d’Arlequin - . Entre le réel et ce que je pouvais en comprendre un abîme se creusait, empli des incertitudes et des questions, où se noyait mon regard déjà flou.

Cartographie Est
Du bout de l’ongle gratter les souvenirs exténués à feuilleter les pages d’un album sur l’Europe ou l’Asie composé de petites images collectées dans les tablettes de chocolat Pupier , de le voir rempli et ainsi de permettre à mon père de parvenir au cadeau offert par le fabricant. Estonie, Lettonie, Lithuanie, devenaient des noms courants pour moi, vigne vierge de mon panthéon géographique dans laquelle mes doigts se perdaient, tournant les pages et scrutant des cartes de pays improbables où je ne songeais nullement aller un jour, mais où s’égaraient mes pensées louvoyant entre les sillons sinueux du temps.

 
Cartographie Ouest
Il tournait en une échappée belle sans tumultes et sans souci du halètement du temps, il tournait sur lui-même mieux que la langue dans le palais, plus léger que le prisonnier dans la cour, plus hallucinant qu’un train pénétrant dans un tunnel, plus énigmatique que la lecture du Club des cinq, plus étonnant que le paysage de l’au-delà de la fenêtre. Il tournait et mon doigt se posait brusquement pour arrêter sa course avide du hasard que je pensais prémonitoire, comme on ouvre un livre n’importe où et que l’on souhaite une phrase, des mots bleus, rien que pour soi.

Cartographie Sud
Au carrefour des lignes tortueuses ou rigides , je plonge le regard, je cherche le trajet bridé de boursouflures, les lisières d’écume, l’entre-deux des coulées de verdure, les ruines embusquées dans les craquelures de la carte où avec certitude il faut se rendre pour dénicher un point de vue, une fenêtre sur un monde disparu, où poursuivre quelque lumière. Respirer, rêver sur les rivages d’une carte IGN, dresser le parcours d’un temps futur , s’approcher de la graphie de la carte avec la géographie de mon œil , basculer dans son abîme, repousser l’horizon des possibles : ivresse d’errance.

3 commentaires:

MarieBipe REDON a dit…

une de mes astuces pour m'endormir c'est de me réciter LE BATEAU IVRE. Il fut un temps où je le connaissais en entier ; j'arrive à présent à me souvenir d'une dizaine de strophes, en espérant m'endormir avant l'aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes. et j'y entends la voix de Ferré aussi qui module. parfois j'oublie des mots mais je me souviens de la musique et du rythme. Tout ça pour dire que je m'en vais apprendre tes 400 mots qui me berceront avec dedans de vrais morceaux de chocolat et des images de pays où tu ne voulais pas aller ; le Pérou devait en faire partie...? Brava !

Laura-Solange a dit…

Le Pérou reste un bon souvenir!!!! Merci à toi...

Michelangelo a dit…

Ah! que rêver au bord des cartes de pays, disparus avant que de les connaître, réveille de vieilles nostalgies de départ vers des mondes lointains aujourd'hui effacés, ces mondes que l'on n'envisageait même pas d'aller voir, le rêve nous suffisait. C'est cette atmosphère que tu fais revivre: un vrai plaisir.